Laurent de Wilde

09/04/2008

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Par Fanny Layani

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CONCERT : LAURENT DE WILDE & OTISTO 23

  Lieu : Paris, Café de la Danse
Date : 11 mars 2008
Photos : Fabrice Journo

Laurent de Wilde et Otisto 23 sont venus poser leur bulle musicale (voir l’entretien sur nos pages) au Café de la Danse, le temps d’une soirée de présentation de leur dernier et innovant album, PC Pieces. Un concert tout en atmosphères, particulièrement envoûtant par moments.

Setlist : Piano Forever – Wish List – Five Is Company – Peace and the Hump – Glitch – The Ultimate Tea Party – Eternal Tourist

Sur la scène d’un Café de la Danse attentif et dans l’expectative, trône tout un attirail de fils, câbles et écrans, entourant un piano qui semble presque incongru au beau milieu de cette débordante technologie. A y regarder de plus près d’ailleurs, le piano lui-même, en partie désossé puisque le couvercle en a été retiré, connaît des prolongements électroniques : ses micros sont reliés à un imposant pédalier.

Lové dans le creux du piano à queue, l’installation d’Otisto 23 (un PC, une mixette et une multitude de câbles) y est comme imbriquée, au plus près, comme prête à poursuivre, par le son, l’impossible rêve de ne faire plus qu’un. Tout autour de cette sphère, presque intime tant est grande la proximité et tant parfois ce qui se déroule sur une scène met à nu ceux qui s’y trouvent, d’indiscrètes caméras sont disposées, scrutant de leur œil mécanique les deux musiciens.

En effet, outre la particularité musicale de ce duo, il en est une autre, visuelle celle-là. Tout au long du concert, les deux musiciens sont captés, sous tous les angles, par deux caméras fixes et une steadycam. Les images mixées en direct par un réalisateur, sont projetées en noir et blanc sur un grand écran en fond de scène, et mêlées à des incrustations couleur développant diverses atmosphères. Si la vidéo en concert a souvent tendance à vampiriser le spectateur qui se détache du coup de la musique, elle ne cesse ici d’y ramener. Les gros plans sur ce que trafique l’un ou l’autre des musiciens, une main farfouillant dans le piano ou volant de touche en touche, un index au clic précis et fébrile à la fois, et de fréquents gros plans sur les visages, instantanés ou presque : l’on voit en gros plan ce qui ce trame en direct, la musique qui apparaît peu à peu, et toutes les trivialités techniques que la distance à la scène cache d’ordinaire aux yeux du spectateur. Ici, tout est à nu, sans artifice.

C’est ainsi qu’à l’aide des caméras, on décortique les sons naissant du bien étrange traitement que Laurent de Wilde réserve à son piano, soumis à un attirail hétéroclite et une imagination sans limite. Un balai, une baguette, de la pâte à modeler, une balle de ping-pong, une pochette cartonnée, du gaffer, un petit bâton de pluie, et tous les usages qu’une main peut faire d’un piano : des cordes pincées, des coups sur le bois de la table d’harmonie en guise de percussion, un claquement de couvercle, etc. Ces sons, pour certains déjà largement atypiques, sont par moments passés à la moulinette d’un pédalier y ajoutant distorsion et autres effets, avant de les envoyer entre les mains expertes et facétieuses d’Otisto 23.

Les deux musiciens portent des casques, ce qui les isole davantage encore de la salle, mais leur permet une communication directe. Ils ne se perdent jamais de vue, échangeant sans cesse signes et regards. On sent une interaction permanente, une vigilance de chaque instant, pour suivre l’autre dans les méandres de ses propositions.

Otisto 23 semble comme suspendu au son, parfois bras croisés entre sa souris et sa mixette, en (ex)tension maximale, presque écartelé. Il capte les sons, les sélectionne, les valide ou les rejette, les met en perspective, multipliant les superpositions et entremêlements de boucles. C’est lui qui construit l’architecture d’ensemble, en véritable maître du jeu. On le voit progressivement donner naissance à une trame sonore entre ambiant, dub et musique concrète qu’il fait se mouvoir peu à peu, et sur laquelle Laurent de Wilde se pose, essaye, tâtonne et propose. Sur scène, les deux complices se livrent à un « tripatouillage » permanent, leur proposition musicale est un véritable artisanat, au sens noble du terme : un travail permanent sur la matière, où l’on malaxe les sons, presque à mains nues. Cet aspect est d’autant plus sensible lors des soli de Laurent de Wilde, qui ajoutent un son beaucoup plus organique aux expérimentations de son camarade.

Puisque l’ensemble du son projeté en façade naît en direct, le duo n’est pas épargné par quelques surprises : une pédale d’effet malencontreusement activée, un clic mal placé… et l’imprévu surgit. L’ensemble bouge, cette musique est vivante, née de la réactivité immédiate des deux musiciens.

Ce qu’auront proposé Laurent de Wilde et Otisto 23 durant ce concert est plus que convaincant. Si le résultat sonore était sans doute moins fin et subtil que sur l’album, particulièrement travaillé, les deux hommes ont proposé une musique plus incarnée, plus « dans la matière », la sculptant en direct, lui communicant de fascinantes ondulations, au fur et à mesure que le rythme s’installait ou se défaisait, pour un résultat par moments particulièrement envoûtant !

Fanny Layani

site web : http://www.laurentdewilde.com

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