Bob Drake - The Shunned Country

Sorti le: 23/06/2005

Par Jean-Daniel Kleisl

Label: Re Records

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Il est habituel chez Progressia de lister les morceaux qui composent un album… Même pour celui-ci ! Bob Drake est un personnage haut en couleur : multi-instrumentiste, chanteur de talent, ancien membre des 5uu’s et de Thinking Plague, producteur, responsable entre autres de remastérisations des albums de Art Bears (Fred Frith, vous connaissez ?), le bonhomme, qui vient de sortir son sixième album, The Shunned Country, se révèle un des grands animateurs de la scène rock in opposition, ou RIO pour les intimes.

A travers cinquante-deux petites histoires d’horreur tintées d’humour bien noir et glauque, Bob Drake sort comme à son habitude des sentiers battus. Cinquante-deux morceaux délirants allant de quinze secondes à trois minutes : voilà ce à quoi l’auditeur doit s’attendre sur cet album de presque trois quarts d’heure.
Bob Drake fait absolument tout sur cet album enregistré dans sa Maison Isolée (Caudeval, en France). Les premières écoutes donnent l’impression d’un enregistrement lo-fi sévèrement bordélique. Certes, ça l’est, mais organisé. Il faut quelques temps pour se rendre compte, par exemple, des «thèmes» qui se répètent en introduction et au final de l’album. Inutile de mettre en exergue tel ou tel morceau que le suivant arrive déjà ! Notons toutefois que la deuxième partie de l’album semble plus abordable dans la mesure où les morceaux qui la composent sont un peu plus longs. Le final de l’album, à partir du cinquantième titre, est absolument succulent, entrecoupé par une partie planante toute en tension qui prépare l’assaut final.

La tonalité générale se veut très acoustique, avec l’emploi important du banjo qui constitue en quelque sorte le fil rouge de l’album. C’est d’ailleurs la première fois que Bob Drake en joue sur l’un de ses albums et comme d’habitude, l’instrument est traité avec virtuosité mais sans aucun égard pour son passé. Précisons qu’il ne s’agit pas de virtuosité démonstrative mais plutôt de ce truc qui fait penser que chaque instrument est joué avec facilité et aisance. Cette remarque est valable pour toute l’instrumentation utilisée par Drake : batterie, percussions, basse, guitares, claviers, violon et bric-à-brac divers. Pourtant, comme ces courtes pièces de musique donnent l’impression d’être passées au hache-paille afin que l’auditeur soit en état de choc permanent ! Le tout ne tient en place que grâce à la superbe voix très andersionnienne de cet homme-orchestre.

Disque déstabilisant, déroutant et qui peut rebuter au premier abord, The Shunned Country est avant tout un album de qualité qui doit mettre un certain temps pour mûrir, comme le bon vin. Il faut à la fois se laisser le temps de l’aborder et d’être dans le bon état d’esprit. La récompense est ensuite très gratifiante. Encore un bon disque à mettre sur le compte de ce touche-à-tout de Bob Drake, le nouveau King of the Banjo !